Alexandre Vialatte était à Paris le 11 octobre, sous la forme d’un réjouissant Abécédaire, qui vient de paraître aux éditions Julliard.
C’est le second tome d’une série initiée par Alain Allemand, désireux de faire partager sa passion pour l’écrivain “notoirement méconnu”. Une fois n’est pas coutume, c’est à l’Hôtel Littéraire Le Swann, sous les yeux de Marcel Proust que la cérémonie des lectures a eu lieu, et non pas à Clermont-Ferrand. Rappelons, “pour la beauté de la chose”, que Vialatte fut parisien entre 1934 et 1966 et résida 158 rue Broca (aujourd’hui rue Léon-Maurice Nordmann). Une soirée hommage s’imposait.
Voici le délicieux discours prononcé par notre ami Jérôme Trollet, président des amis d’Alexandre Vialatte, qui nous livra avec verve un annuaire des noms propres bien connu des vialattiens, pour une nouvelle promenade au pays du grand Alexandre.
“Eh bien, cher Alain, allons-y, partons nous promener dans Vialatte, mais sans guide Michelin, sans guide Baedeker… Non !
Constituons, comme vous savez si bien le faire, un annuaire des personnes que nous allons rencontrer et des lieux que nous allons découvrir.
Une création oulipienne comme nous les aimons tant.
En route vers
Alexandre, l’Auvergne, Ambert, l’Allemagne, y croiser Allary et le grand Allah,
Puis Battling, Besson, Berger dans le détroit de Behring, Bérénice, Badonce et Brancusi rue Broca ou près de la porte de Bath-Rabbim
Camille, Chaval et monsieur Chaussier à Clermont, en Corée ou au Congo
Dubuffet et Dora à Dôle et Dutourd sur les bords de la Dore ou dans le Dauphinois.
Plus tard, rue de l’Épargne, ou près du lac des Escures,
Nous reverrons Frédérique et Ferny ; à Firminy, nous croiserons le docteur Faustroll,
Goethe, Gripari et la cousine Guite.
Nous irons voir Hélène à Héliopolis,
La tante Irma et monsieur Inhaber,
À Job, et Jourde, à Jérusalem,
Kaeppelin et Kafka à Koenigsberg,
Luc à Capri ou à Lunebourg avec madame Lamourette,
Puis Madeleine à Merlas, Moncelet, Mata Hari et Maricou à Magnac-Laval ou à Mandalay, où nous lirons les chroniques de la Montagne et de Marie-Claire.
Avec Nietzsche et Natalie (sans h)
Abonnés à Opéra, comme Obaldia,
En compagnie de Panado, Planier, Pourrat, Paulhan,
Raymond Queneau et Cochon-Quinette,
Ensemble nous relirons sur les bords du Rhin, la Revue Rhénane.
Quant à Erna Schnorr, Salomé et Pascal Sigoda
Nous les retrouverons à Toulouse,
Avec le père Ubu,
Vissouze et Vingtrinier, férus des pastilles Valda.
Enfin après Wetterwald à Weimar
Et X (c’est l’inconnu),
A Saint Ylie
En compagnie de Bernard Zimmer et Jean Zay,
nous atteindrons le terme de cette grande promenade en Vialattie.
D’accord ?”
Jérôme Trollet, président de l’association des Amis d’Alexandre Vialatte
En présence de Pierre Vialatte, fils de l’écrivain, et des membres des amis de Vialatte venus pour l’occasion ;
La soirée a été particulièrement conviviale, ci-dessous Jacques Letertre, président de la Société des Hôtels Littéraires, conversant avec Pierre Vialatte ;
Jérôme Trollet et Aleth Prime, décoratrice d’intérieur pour les Hôtels Littéraires.
Précipitez-vous pour feuilleter ces morceaux choisis parmi l’ensemble des chroniques (La Montagne, Spectacle du Monde, Le Petit Dauphinois, Marie-Claire, etc) et tout savoir sur la cerise, les papillons, Fantômas ou la Grammaire.
Sans oublier de prendre votre dose quotidienne de Vialatte sur le groupe Facebook animé par Alain Allemand.
Nous vous livrons un petit extrait au hasard :
“Le homard est un animal paisible qui devient d’un beau rouge à la cuisson. Il demande à être plongé vivant dans l’eau bouillante. Il l’exige même, d’après les livres de cuisine.
La vérité est plus nuancée. Elle ressort parfaitement du charmant épisode qu’avait rimé l’un de nos confrères et qui montrait les démêlés d’un homard au soir de sa vie avec une Américaine hésitante :
Une Américaine
Etait incertaine
Quant à la façon de cuire un homard.
– Si nous remettions la chose à plus tard ?…
Disait le homard
A l’Américaine
On voit par-là que le homard n’aspire à la cuisson que comme le chrétien au Ciel. Le chrétien désire le Ciel, mais le plus tard possible. Ce récit fait ressortir aussi la présence d’esprit du homard. Elle s’y montre à son avantage.
Précisons de plus que le homard n’aboie pas et qu’il a l’expérience des abîmes de la mer, ce qui le rend très supérieur au chien et décidait Nerval à le promener en laisse, plutôt qu’un caniche ou un bouledogue.
(Chronique des choses les plus diverses – La Montagne – 21 juillet 1968)
© Alain Allemand