HL – Pourriez-vous nous présenter l’histoire de votre association ?
La Société Jules Verne est née en 1935, grâce à un petit groupe d’amateurs éclairés de l’écrivain qui ont eu envie de lui rendre hommage. La première Assemblée Générale s’est tenue en 1936. Mais en 1939, au moment des événements de la guerre, l’association s’est vue mise en sommeil, sans toutefois être dissoute car ses statuts existaient toujours.
Dans les années 1960, des amateurs se sont lancés dans la renaissance de la société. Et quelques années plus tard à Amiens, Daniel Compère créa le Centre de Documentation Jules Verne, aujourd’hui devenu le Centre International Jules Verne. Il n’était alors qu’un tout jeune homme et son énergie d’amoureux de Jules Verne a permis à cet auteur un peu oublié de revenir sur le devant de la scène à Amiens. Ce centre gère le fonds Jules Verne, qui a été progressivement réuni par Daniel Compère et par ses parents. La Maison de Jules Verne est quant à elle gérée indépendamment par la ville.
Pour revenir à notre association, trois présidents se sont succédé à sa tête : Joseph Laissus (1966-1969) puis Olivier Dumas de 1969 jusqu’en 2012. Ce dernier possède le profil type de l’amoureux de Jules Verne : il n’est pas littéraire de formation mais médecin. En effet, beaucoup de verniens sont des scientifiques, médecins, dentistes, etc. qui se retrouvent derrière la houlette de Jules Verne, un auteur souvent délaissé car n’étant pas considéré comme littéraire. Nous avons ainsi des réunions très intéressantes, avec une grande diversité de vies et de passés.
Jean-Pierre Albessard, notre président actuel, retraité de l’hôtellerie, est un grand amateur de Jules Verne et un collectionneur. Il contribue au bulletin par de nombreux articles comme celui consacré à Nellie Bly, cette journaliste américaine qui voulut faire le tour du monde sur les traces de Phileas Fogg pour battre le record du Tour du monde en quatre-vingt jours. Elle réalisa même une interview de l’écrivain qu’elle rencontra à Amiens. Son projet réussit et elle écrivit peu après un livre aussi drôle qu’étonnant, Le Tour du Monde en 72 jours, publié en 1890.
Jeu de l’oie retraçant le tour du monde de Nellie Bly, publié par le New York World en 1890.
HL – Quelles sont vos activités et votre ambition aujourd’hui ?
Nous avons environ 200 adhérents en France et à l’étranger. Notre objectif premier est d’enrichir la connaissance que nous avons de Jules Verne et en cela l’association a joué un rôle important dans l’évolution du regard porté sur cet écrivain en France, perceptible à la fin du XXe siècle et au début du XXIe siècle. Jules Verne, on le sait, a été longtemps méprisé et considéré uniquement comme un auteur pour enfants et comme tel écarté de la littérature. L’impact des travaux et l’énergie des verniens lui ont permis de reprendre sa place, celle d’un véritable auteur pour adultes.
De même, son entrée dans la Pléiade grâce à Jean-Luc Steinmetz a été très utile, en lui conférant cette aura qui entoure les écrivains intégrant ce cercle prestigieux. On remarque aussi une évolution à la faculté qui laisse peu à peu entrer Jules Verne à travers des travaux de recherches de plus en plus nombreux. De grands professeurs s’intéressent à lui pour ne citer que Jean-Yves Tadié, Michel Serres, Jean Chesneaux et Daniel Compère.
Par ailleurs, les membres du Conseil d’Administration sont nombreux à participer à des expositions, comme celle organisée par la Saline Royale d’Arc-et-Senans en 2019.
HL – Comment s’organise la publication de votre Bulletin ?
Le Bulletin de la Société Jules Verne est actuellement semestriel, après avoir été successivement trimestriel puis quadrimestriel. Nous sommes très fiers de voir actuellement notre 200e bulletin en cours de publication.
Il répertorie toutes les communications qui nous parviennent, avec l’aval du comité de lecture mais sans qu’il soit nécessaire d’être adhérent. Volker Dehs, chercheur allemand grand spécialiste de Jules Verne, est le directeur du comité de rédaction. Nous recevons de nombreuses propositions de personnes à l’étranger et nous aidons parfois à la traduction de ces articles. Cela permet d’avoir des points de vues très divers, des sujets intéressants et traités sous un angle nouveau.
Nous ne visons pas un public en particulier. On y trouvera des articles universitaires à côté d’autres plus accessibles aux néophytes. Et comme la table des matières est en ligne sur le site, nous recevons de nombreuses demandes de lectures.
Tous les numéros comportent un éditorial, et plus récemment, une rubrique intitulée « Glanes et notules » qui répertorie toutes les références à Jules Verne trouvées par nos lecteurs dans un livre, un film ou une chanson. Les occurrences sont nombreuses !
HL – Jules Verne est l’un des auteurs les plus traduits au monde, votre association arrive-t-elle à rayonner au-delà des frontières ?
Nous sommes l’association qui possède le plus d’adhérents hors frontières, avec celle des Amis hispaniques. Nous avons un public très vaste appartenant à tous les continents, des Amériques du Nord et Latine jusqu’à l’Asie et l’Europe. Je crois que Jules Verne rayonne seul et qu’il est bien plus reconnu à l’étranger qu’en France. Il est étudié dans les universités américaines et espagnoles alors que chez nous, il a souffert du fait que nous n’aimons pas beaucoup associer la littérature et le populaire. J’aime toutefois faire remarquer que Jules Verne est l’un des rares auteurs à disposer d’une collection spéciale dans le Livre de Poche.
Jules Verne est très populaire dans les associations des Pays-Bas, de l’Allemagne, la Société hispanique, la Nord américaine, au Japon, en Amérique du Sud et même en République Tchèque ; la liste est assez impressionnante.
Il est amusant de noter que chaque pays a son roman phare, comme Deux ans de vacances qui se voit plébiscité au Japon ; aux Etats-Unis, on m’a dit qu’ il s’agit plutôt De la Terre à la Lune, ce qui n’est pas très étonnant puisque l’action se situe chez eux. Verne a parlé de tous les endroits du monde mais beaucoup moins de la France ce qui peut expliquer aussi ce désamour des littéraires dans son propre pays.
On connaît la prédilection de Verne pour les personnages anglo-saxons dans ses romans ; il était en particulier un grand amateur de Dickens, auquel il a rendu hommage dans son roman P’tit Bonhomme qui se déroule en Irlande et célèbre l’enfance malheureuse comme dans David Copperfield et Oliver Twist.
HL – Quels sont vos projets pour les années à venir ?
Nous aimerions surtout maintenir le rythme actuel et que la Société Jules Verne puisse perdurer dans cette période difficile pour la culture et les associations littéraires. Il faudrait conserver cette bonne qualité de publication du bulletin.
Nos Assemblées Générales ont lieu une fois par an, avec une séance à Paris et l’année suivante en province ou à l’étranger. Nous avons été plusieurs fois en Italie, pays de notre vice- président, M. Piero Gondolo della Riva. Nous nous sommes également rendus à Nantes ou encore à Arc-et-Senans au moment du vernissage de l’exposition « Le Monde de Jules Verne » à laquelle nous avons collaboré.
HL – Bravo pour toutes ces belles réalisations et rendez-vous en 2021 à Biarritz pour l’inauguration de l’Hôtel Littéraire Jules Verne !
https://www.societejulesverne.org/accueil.php
Propos recueillis par Hélène Montjean