Autour de la Méditerranée avec Mathias Sandorf – Jules Verne
Mathias Sandorf est le Comte de Monte-Cristo des Voyages extraordinaires.
Désireux de rendre hommage à la mémoire d’Alexandre Dumas père qui lui avait montré tant d’amitié dans sa jeunesse et ses débuts au théâtre, Jules Verne dédicaça ce livre à son fils, dont il était très proche.
Dans les années 1860, à Trieste, le Comte Mathias Sandorf, aidé de ses deux fidèles amis, Étienne Bathory et Ladislas Zathmar, organise une insurrection pour bouter l’autrichien hors de la Hongrie. Ces nobles patriotes magyars sont malheureusement surpris par deux coquins, Sarcany et Zirone qui arrivent à déchiffrer un message codé transporté par un pigeon voyageur et livrent les conjurés à la police avec l’aide d’un banquier véreux, Silas Toronthal.
Condamnés à mort, les conspirateurs entreprennent une évasion rocambolesque et périlleuse du château de Pisino, mais seul Sandorf réussira à s’échapper vivant. Grâce à ses talents de médecin et d’hypnotiseur, il devient rapidement le célèbre Docteur Antékirtt, du nom de l’île secrète qui lui sert de base arrière au large de la Cyrénaïque.
Il organise ensuite méthodiquement sa vengeance contre les personnages qui firent échouer sa conspiration et provoquèrent la mort de ses amis. Il prend soin également du bonheur du fils de l’un d’eux, Pierre Bathory et de sa mère, aidé par deux fidèles bateleurs provençaux embarqués à Raguse, très attachants par leur simplicité, leur drôlerie et leur fidélité, Pointe Pescade et Cap Matifou.
Publié en 1885, ce roman très réussi comporte tous les ingrédients qui ont fait jusqu’ici le succès de l’écrivain : des personnages nombreux et bien typés, qui se débattent au cœur d’une intrigue politique parfaitement ficelée, assaisonnée d’une histoire amoureuse, de quelques épisodes scientifiques et de coups de théâtre suffisants pour tenir le lecteur en haleine tout au long de ces deux tomes.
Tout cela est campé dans un superbe cadre géographique, la Méditerranée – qui fut même un temps le titre originel du livre comme l’indique le manuscrit.
Sur son yacht de luxe, le Saint-Michel III, Jules Verne avait parcouru en 1884 avec sa famille et quelques amis plusieurs points de la Méditerranée qu’il évoquera par la suite. Parti de Nantes pour Vigo et Lisbonne, il visitera successivement Gibraltar, Oran, Bône (Annaba), Malte, Syracuse, Naples et Anzio.
Grâce à ce voyage, Jules Verne peut offrir à ses lecteurs une véritable carte postale de la Méditerranée. Il mène ses héros de Trieste et Raguse, à Pisino (Pazin), aux bouches de Cattaro (Kotor), à Rovigno (Rovinj), Otrante, Malte, Syracuse, Catane, Ceuta, Tétuan (Tétouan), Gibraltar, Suez, Tripoli, Carthage, Monaco ou Nice, sans oublier l’île fictive d’Antékirtta, nichée au fond du golfe de Tripoli, « entre la régence de Tripolitaine et la Cyrénaïque ».
Ce roman ne réunit peut-être pas toutes les qualités qui rendirent Le Comte de Monte-Cristo légendaire mais il se pose très certainement comme l’un de ces excellents Jules Verne, qu’on lit avec plaisir.
Hélène Montjean