À l’approche des festivités du bicentenaire de la naissance de Flaubert en 2021, les Hôtels Littéraires enrichissent leur collection de l’édition originale de la première œuvre littéraire de l’écrivain : Les Mémoires d’un fou.
Rédigé en 1838, alors que Flaubert est un jeune adolescent de seize ans, ce roman est une “sorte d’autobiographie fictive, ponctuée de réflexions du narrateur, et qui s’achève avec un désenchantement absolu” (Gisèle Séginger).
C’est la première fois que le jeune Gustave raconte son amour pour Élisa Schlésinger, une femme mariée rencontrée deux années auparavant sur la plage de Trouville et aimée avec passion. Cette idylle toute platonique sera transposée plus tard dans le chef-d’œuvre de L’Éducation sentimentale avec les personnages de Frédéric et Madame Arnoux.
Flaubert offrit le manuscrit à son ami Alfred Le Poittevin en janvier 1839 mais le texte ne sera jamais publié avant 1900 et sa parution dans la Revue Blanche grâce à son propriétaire, le bibliophile Pierre Dauze, en quatre livraisons (15 décembre 1900, 1er et 15 janvier 1901, 1er février 1901).
L’éditeur Floury le publiera à son tour en volume en 1901.
« A toi mon cher Alfred
ces pages sont dédiées et données
Elles renferment une âme toute entière – est-ce la mienne ? est-ce celle d’un autre ? J’avais d’abord voulu faire un roman intime où le scepticisme serait poussé jusqu’aux dernières bornes du désespoir, mais peu à peu en écrivant, l’impression personnelle perça à travers la fable, l’âme remua la plume et l’écrasa.
J’aime donc mieux laisser cela dans le mystère des conjectures, pour toi tu n’en feras pas.
Seulement tu croiras peut-être en bien des endroits que l’expression est forcée et le tableau assombri à plaisir rappelle-toi que c’est un fou qui a écrit ces pages et, si le mot paraît souvent surpasser le sentiment qu’il exprime c’est que ailleurs il a fléchi sous le poids du cœur.
Adieu, pense à moi et pour moi. »
Et il ajoute cet envoi en regard, au verso de la page de titre :
« A cette époque on a coutume de se faire des cadeaux – on se donne de l’or et des poignées de main – mais moi je te donne mes pensées ; triste cadeau !
Accepte les – elles sont à toi comme mon cœur.
Gve Flaubert
4 janvier 1839. »
Longtemps en collection privée, le manuscrit a été acquis en 2018 et a rejoint le département des Manuscrits de la Bibliothèque nationale de France.
Hélène Montjean