Trois célèbres romans de Jules Verne, à la provenance exceptionnelle, ont pris place dans la bibliothèque de livres rares de l’Hôtel Littéraire Jules Verne à Biarritz.
Il s’agit des Aventures du capitaine Hatteras – Le Désert de glace, de De la Terre à la Lune et des trois volumes des Enfants du Capitaine Grant.
Edités par Pierre-Jules Hetzel dans sa Bibliothèque d’éducation et de récréation, ces trois titres furent respectivement publiés en édition originale en 1864, 1865 et 1867-68, à la toute fin du Second Empire.
Ils ont été acquis par l’impératrice Eugénie, épouse de Napoléon III, qui les fit élégamment relier à son chiffre.
Le descriptif de l’ouvrage annonce “une reliure d’époque en demi-basane verte maroquinée avec un dos lisse orné du même chiffre couronné en pied et en queue” : celui de l’impératrice Eugénie.
Ils sont un des éléments qui relient la ville de Biarritz au romancier Jules Verne.
« Ces volumes proviennent de la bibliothèque personnelle de l’impératrice et furent mis à la disposition de son fils, le prince impérial, alors âgé d’une douzaine d’années.
Compte-tenu du format des livres, des petits in-18° qui ne ressemblent pas encore à ce que seront les grands cartonnages Hetzel (in-8°), on peut imaginer qu’il s’agissait de livres provenant d’une bibliothèque de campagne ou de sa bibliothèque de voyage.
L’impératrice fit au moins treize séjours longs à Biarritz – dont le dernier en 1869 – et on peut raisonnablement penser que ces livres voyageaient avec elle.
Ce sont les premiers titres de Jules Verne, encore dans sa période très anglophile, notamment Les Aventures du capitaine Hatteras et Les enfants du capitaine Grant.
Les volumes ne portent pas l’ex-libris de l’impératrice qu’elle utilisera plus tard, dans son château de Farnborough en Angleterre, à partir de la chute de l’Empire et de la mort de Napoléon III en 1873.
Cet achat de l’impératrice est assez étonnant car Jules Verne est encore à peine connu à la fin de l’Empire. Le succès du Tour du monde en quatre-vingts jours viendra en 1872 et il connaîtra ses heures de gloire sous la IIIe République. Elle est en avance sur son époque.
Si elle en a acheté d’autres après, elle ne les fit plus relier au chiffre de l’impératrice car la chute de l’Empire intervint en 1870.
Il est à noter que les armes ou les chiffres se mettent habituellement sur la plat du livre et non pas sur le dos, ce qui consolide la thèse selon laquelle ces livres sont des petits exemplaires de voyage destinés à sa bibliothèque de campagne.
C’est un signe de modernité intéressant chez Eugénie de Montijo, tenante du parti catholique, qui passe pour assez conservatrice. Elle fait acheter les romans de Jules Verne chez l’éditeur Hetzel, qui était connu pour ses idées républicaines et dont le projet éditorial consistait justement à lutter contre la littérature assez mièvre proposée à la jeunesse de l’époque. “
L’illustrateur Edouard Riou (1833-1900), ami de Nadar, fut chargé des premières illustrations des volumes de Jules Verne chez Hetzel et contribua grandement à forger l’imaginaire vernien avec ses vignettes de Cinq semaines en ballon, des Aventures du capitaine Hatteras, du Voyage au centre de la terre, des Enfants du capitaine Grant et les premières planches de Vingt mille lieues sous les mers.
C’est peut-être lui qui fit connaître les romans de Jules Verne à l’impératrice car il fut ensuite chargé de réaliser l’album d’aquarelles de l’inauguration du canal de Suez en novembre 1869.
Publicité pour la série des “Voyages extraordinaires” de Jules Verne, illustrations d’Edouard Riou
Photo (C) RMN-Grand Palais / Agence Bulloz
Jacques Letertre et Hélène Montjean