Parmi la collection de livres rares de l’Hôtel Littéraire Marcel Aymé figure l’un des plus beaux romans de l’écrivain, La rue sans nom, paru en 1930 aux éditions Gallimard.
Il s’agit de l’édition originale réimposée, portant le n° 1 et la mention “imprimé pour M. Henry Church”, sur les 100 destinés aux Bibliophiles de la Nouvelle Revue Française.
© Hôtel Littéraire Marcel Aymé – photographe Suzanne Nagy
L’Américain Henry Church (1880-1947) fut l’un des plus grands collectionneurs du XXe siècle et consacra la fortune dont il avait hérité à soutenir la création intellectuelle et artistique.
Amoureux de la France et de ses écrivains, il vécut dans l’entre-deux guerres avec sa femme Barbara à Ville d’Avray, dans la Villa dite Church, dessinée par Le Corbusier et construite entre 1927 et 1929. Durant cette période, il finança la revue littéraire Mesures, fondée par ses soins avec l’aide de Jean Paulhan qui la dirigea à ses côtés.Henri Michaux, Vladimir Nabokov, Michel Leiris, Bernard Groethuysen, Giuseppe Ungaretti firent partie du comité de lecture. Adrienne Monnier et José Corti furent eux aussi associés à cette aventure.
La Villa fut un lieu de rencontres littéraires de 1929 à 1939 pour les écrivains de la NRF et de la revue Mesures.
Barbara et Henry Church accueillant en 1937 dans leur villa située à proximité de Paris, le comité éditorial de la revue Mesures, et parmi eux, des écrivains de La Nouvelle Revue Française.
De gauche à droite : Sylvia Beach, Barbara Church, Vladimir Nabokov (debout derrière elle), Adrienne Monnier, Germaine Paulhan, Henri Church, Henri Michaux, Jean Paulhan, Michel Leiris.
Photo Gisèle Freund
En 1939, Henry Church, pour échapper à la seconde guerre mondiale, revint avec sa femme aux États-Unis, mais continua à distance à soutenir Mesures jusqu’à l’invasion allemande, qui en 1940 mit un terme à sa publication.
Dès 1946, il regagna la France mais après avoir retrouvé sa Villa considérablement abîmée pendant les années d’occupation, il s’envola à nouveau pour New York en 1947, où il mourut brutalement la même année.
Aquarelle de Jean Aubertin, La Rue sans nom © Hôtel Littéraire Marcel Aymé
Pour le plaisir, voici le résumé du livre qui figure dans la chambre La Rue sans nom de l’Hôtel Marcel Aymé, au numéro 10 :
« Un homme qui n’était pas de la rue tenait le milieu de la chaussée. Son ombre marchait devant lui, projetée par la clarté du réverbère ; elle se fondit dans la nuit plus épaisse et l’homme s’arrêta […]. »
Marcel Aymé, La Rue sans nom, © Éditions Gallimard
Marcel Aymé écrivit ce roman à Dole pendant l’hiver 1929 et le termina au printemps 1930. Il fut aussitôt publié chez Gallimard mais l’auteur ne croyait pas beaucoup au succès de son livre qu’il jugeait un peu triste. Les faits lui donneront tort. Marcel Aymé peint avec une admirable justesse les familles d’ouvriers qui habitent dans cette rue misérable, peuplée aussi d’émigrés italiens.
Côte à côte, ils travaillent et vivent pauvrement, se retrouvent au bistrot « Chez Minche », boivent beaucoup et dansent sur l’accordéon des Italiens. Un jour, Méhoul voit arriver son ancien comparse, Finocle, un repris de justice accompagné de sa fille Noa. Une jeune femme si belle que sa présence bouleverse la rue et rend tous ces hommes fous d’amour et de jalousie.
Et le drame se noue peu à peu. La rue semble révéler l’âme collective de ces hommes, parfois rudes ou méchants mais capables des plus grandes tendresses.
« La rue n’était pas seulement une double rangée de maisons entre lesquelles circulait un courant d’air ; elle était leurs personnes mêmes intégrées à la pierre, aux charpentes, au sol. »
Marcel Aymé, La Rue sans nom, © Éditions Gallimard
Le roman a été adapté au cinéma par Pierre Chenal, en 1934.
Hélène Montjean et Solveig Conrad Boucher