“Les frères Corneille, la comtesse de Ségur, Gustave Flaubert et Guy de Maupassant, le philosophe Alain ou bien encore le fondateur de La Nouvelle Revue Française, André Gide…
Cette mosaïque de noms orne en bonne part le panthéon de la littérature française et européenne voire universelle. Mais, pour quelle raison les associer ainsi, sans logique apparente, si ce n’est celle de l’esprit joueur de Jacques Prévert dont le nom a fini par désigner une liste hétéroclite ?
Comme Prévert qui a vécu en Normandie et y réside pour l’éternité depuis 1977, chacun de ces écrivains, par sa vie et par son œuvre, entretient des liens particuliers avec ce territoire.
La Normandie littéraire regroupe ainsi les sites et lieux de mémoire attachés à ces hommes et femmes de lettres, qu’il s’agisse de leur maison natale, d’un lieu de villégiature, d’un fonds manuscrit de bibliothèque ou encore du musée qui leur est consacré.
Elle souhaite, plus largement encore, redonner vie et consistance à un patrimoine immatériel, l’esprit que ces romanciers, nouvellistes, poètes, essayistes, dramaturges, épistoliers, ont imprimé ou continuent de faire souffler en différents espaces de ce territoire ; ainsi Marcel Proust à Cabourg, Marguerite Duras à Trouville, Saint-John Perse et Françoise Sagan à Deauville, Hector Malot à la Bouille, Francis Yard à Rouen et d’autres encore, plus contemporains…
Vous toutes et tous, lectrices et lecteurs de ce livret, vous êtes donc invités à (re)découvrir à livre ouvert et en franchissant le seuil de maisons et de musées, des univers ou comme aurait dit Victor Hugo « des océans ». N’hésitez pas, tant de belles rencontres vous attendent !”
Rencontre avec Bénédicte Duthion, présidente de La Normandie littéraire.
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HL – Bénédicte Duthion, vous êtes présidente de la Normandie littéraire, pourriez-vous nous présenter ce réseau régional, créé au sein de la Fédération nationale des maisons d’écrivains et des patrimoines littéraires et ses objectifs ?
BD – La Normandie littéraire est le sixième réseau régional créé au sein de la Fédération nationale des maisons d’écrivains et des patrimoines littéraires qui, elle, a fêté son vingtième anniversaire en 2018. Plus jeune, car initié en 2019, le réseau normand compte d’ores et déjà 16 sites ouverts à la visite (maisons et musées), 6 associations d’amis d’auteurs, Normandie Livre et Lecture – l’organe régional de promotion du livre et de la lecture – ainsi que des individuels, professionnels érudits ou amateurs passionnés.
Lieu de réflexion et d’échanges de pratiques, La Normandie littéraire vise à favoriser une meilleure (re)connaissance de l’immense patrimoine littéraire normand dans toute sa diversité, à permettre sa sauvegarde et sa valorisation.
Lancement de la saison « Résonances », projet porté par les réseaux normand et d’Ile-de-France au musée Georges Clemenceau à Paris
en présence de Nathalie Saint Cricq (pour son roman « Je vous aiderai à vivre, vous m’aiderez à mourir »), de Lise Lentignac (administratrice du musée) et de David Labreure (président du réseau Île-de-France et de la Fédération nationale).
12 Juin 2021.
HL – Quelle place y tient Gustave Flaubert et ses deux maisons de Rouen, le Musée Flaubert et d’histoire de la médecine ainsi que le pavillon de Croisset ?
BD – Objectivement en se référant à la typologie des maisons d’écrivains du réseau, la place de Gustave Flaubert y apparaît à la fois unique et assez exceptionnelle. D’une part, le Musée Flaubert et d’histoire de la médecine réunit la chambre natale et les lieux familiers et intimes où Flaubert enfant puis jeune adulte a vécu entouré des siens. D’autre part, bien que le pavillon de Croisset soit le seul et modeste vestige de la demeure bourgeoise des bords de Seine où Flaubert a vécu très régulièrement à partir de 1846, il constitue un incroyable lieu de mémoire de l’œuvre de l’écrivain d’âge mûr puisque c’est à Croisset que l’écrivain a donné naissance à la plupart de ses chefs-d’œuvre depuis Madame Bovary, le premier roman publié en 1857, jusqu’à l’ultime et inachevé Bouvard et Pécuchet. C’est ici également en mai 1880 que Flaubert expira. La Normandie littéraire a donc l’honneur de représenter à travers ses membres, la chronologie complète de la vie et de l’œuvre d’un des plus grands romanciers français du XIXe siècle.
HL – Quels sont les écrivains normands dont le rayonnement littéraire et patrimonial vous tient également à cœur ?
BD – Votre question est difficile car, bien sûr, en tant que présidente du réseau La Normandie littéraire j’aurais spontanément envie de vous répondre : tous ! Toutefois, si je devais vraiment effectuer une sélection parmi les écrivains figurant à ce jour au sein du réseau, j’en retiendrais de manière prioritaire deux : Roger Martin du Gard (1881-1958) et André Gide (1869-1951).
Tous deux ont été lauréats du prix Nobel de littérature, mais il me semble que leurs romans et autres œuvres sont aujourd’hui injustement et insuffisamment valorisés. De plus, aussi bien le château du Tertre et son parc aménagés par Martin-du-Gard en accord avec sa profonde sensibilité, que la demeure et le jardin pleins de noblesse où Gide appréciait le passage des saisons, révèlent leur attachement aux paysages de Normandie et à la nature.
Par ailleurs, au cas où cette sélection porterait sur des écrivains qui ne figurent pas encore au sein du réseau j’aurais à cœur de souligner mon inclination particulière pour les femmes de lettres liées à divers titres avec la Normandie telles que pour les plus célèbres d’entre elles, Marguerite Duras, Françoise Sagan et Annie Ernaux ou encore, pour les moins (re)connues d’entre elles, Amélie Bosquet et Marie Ravenel.
Lancement du livret La Normandie littéraire à Mortagne-au-Perche
en partenariat avec les Amis du Musée et de Mortagne dont Catherine Guimond est la présidente.
19 juin 2021.
HL – Quels sont vos projets de développement du réseau normand pour les prochaines années ?
BD – Avec l’ensemble du conseil d’administration de La Normandie littéraire nous travaillons en parallèle sur deux axes, l’un structurel, l’autre relevant davantage de l’événementiel. Il s’agit d’accroître l’assise du réseau en recrutant de nouveaux membres afin de combler des lacunes territoriales (par exemple, à l’heure actuelle, le Calvados est sous-représenté) et des manques typologiques (autre exemple, les bibliothèques patrimoniales sont encore trop peu nombreuses).
En outre, la question des moyens humains et financiers mobilisables demeure un enjeu constant. Concernant les manifestations et actions nous souhaiterions pouvoir décliner à l’échelle régionale le festival « un été culturel des maisons d’écrivains », développer le principe des résidences d’écrivains et pourquoi pas à plus ou moins court terme accueillir les journées d’études de la Fédération nationale ; ces dernières ont lieu chaque printemps dans une région différente. Enfin nous n’oublions pas, car indispensables en ce XXIe siècle, les projets numériques.
Pour en savoir plus : La_Normandielittéraire_livret_WEB
Propos recueillis par Hélène Montjean