Le 21 mars dernier, jour du printemps et journée mondiale de la poésie, a eu lieu l’inauguration de l’Hôtel Littéraire Arthur Rimbaud. Ce nouvel hôtel quatre étoiles est le cinquième de la collection des Hôtels Littéraires et le troisième qui s’ouvre à Paris.
Situé 6 rue Gustave Goublier dans le 10e arrondissement de Paris, il rend hommage à “l’homme aux semelles de vent” selon le mot de Verlaine, qui arrivait depuis Charleville à la Gare de l’Est toute proche, alors appelée la Gare de Strasbourg.
Dès l’entrée, le visiteur est saisi par un plafond peint lumineux signé Jean Aubertin qui réinterprète “Le Bateau ivre” en un ciel constellé de symboles rimbaldiens mystérieux. Puis advient la rencontre avec le célèbre Rimbaud d’Ernest Pignon-Ernest, issu de sa sérigraphie sur papier journal qu’il avait collé sur les murs de Charleville et de Paris en 1978, lors d’une campagne d’affichage et dont très peu d’exemplaires ont été préservés.
La réception, dont les murs et les tapis sont décorés des symboles printaniers de champs de blé et de fleurs colorées, rappelle l’image du poète vagabond, “le piéton de la grand’route” :
Par les soirs bleus d’été, j’irai dans les sentiers,
Picoté par les blés, fouler l’herbe menue :
Rêveur, j’en sentirai la fraîcheur à mes pieds.
Je laisserai le vent baigner ma tête nue.
Je ne parlerai pas, je ne penserai rien :
Mais l’amour infini me montera dans l’âme,
Et j’irai loin, bien loin, comme un bohémien,
Par la Nature, – heureux comme avec une femme.
Arthur Rimbaud, “Sensation”
Les bibliothèques sont au centre de la pièce ; comme dans chacun des Hôtels Littéraires, nous retrouvons 500 livres dans de nombreuses langues, des premiers poèmes de Rimbaud aux éditions variées d’Une Saison en enfer et des Illuminations, ainsi que les meilleures études écrites par les spécialistes qui vous donneront un aperçu de l’incroyable bibliographie disponible sur le poète. Il n’est peut-être pas un écrivain qui n’ait voulu s’exprimer à propos de “son” Rimbaud.
Une collection d’éditions rares et de reliures de création sous vitrines propose, entre autres trésors, l’édition originale du seul livre publié par Rimbaud, Une Saison en enfer, daté de 1873 et orné d’une reliure signée Huser.
Côté petit déjeuner, une chronologie illustrée permet de retrouver les étapes principales de la vie du poète. De nombreux dessins signés Ernest Delahaye et Paul Verlaine, extraits de leur correspondance entretenue lors des nombreux voyages de leur ami Rimbaud, forment un ensemble satirique savoureux. Reproduits grâce à la complicité de la Bibliothèque littéraire Jacques Doucet, ils forment une sorte de bande dessinée avant la lettre et permettent de souligner l’aspect bar d’époque et fontaine à absinthe mis en avant au rez-de-chaussée.
L’image de “Rimbaud l’africain” se dessine également, avec ces croquis d’Ernest Delahaye qui évoquent les voyages de Rimbaud ainsi qu’une étonnante sculpture Gurage venue d’Ethiopie représentant une stèle de Gardien du Sommeil, réputée pour éloigner les mauvais esprits et protéger le sommeil des voyageurs.
Dans la cave voûtée au sous-sol, un espace fitness permet aux sportifs de s’ébattre tout en lisant des extraits de lettres et de poèmes Rimbaud, lui-même infatigable marcheur.
« Je suis le piéton de la grand’route par les bois nains ; la rumeur des écluses couvre mes
pas. Je vois longtemps la mélancolique lessive d’or du couchant…
Les sentiers sont âpres. Les monticules se couvrent de genêts. L’air est immobile. Que les
oiseaux et les sources sont loin ! Ce ne peut être que la fin du monde en avançant. »
Arthur Rimbaud, “Enfance”, IV. Illuminations
Les 42 chambres de l’hôtel sont personnalisées autour d’un poème ou d’un extrait, d’un ami cher ou d’une de ses villes fétiches. Les étages vous emmènent de ses premiers poèmes écrits à dix-sept ans comme “Ophélie” et “Le Dormeur du val” à ses poésies plus modernes, comme “L’Eternité” et “Comédie de la soif”. Puis c’est l’étage d’Une Saison en enfer et des Illuminations, celui consacré à l’entourage de Rimbaud avec Paul Verlaine, Etienne Carjat ou ses sœurs Vitalie et Isabelle pour accéder aux Villes du poète, de Charleville à Harar, en passant par Bruxelles, Londres et Aden.
Jean Aubertin a signé l’aquarelle originale de chacune des chambres, réinterprétant les poèmes et les textes de Rimbaud à sa façon et faisant sien le précepte du poète “Il faut être absolument moderne. “
Les murs de l’hôtel sont parsemés de citations ou des reproductions de lettres manuscrites appartenant au fonds de la Bibliothèque Jacques Doucet, notamment des lettres écrites d’Harar ou d’Aden par Rimbaud à sa famille et même la lettre qu’il écrivit au poète parnassien Théodore de Banville pour lui envoyer ses premiers poèmes :
“Cher Maître,
Nous sommes au mois d’amour ; j’ai dix-sept ans, l’âge des espérances et des chimères, comme on dit.— et voici que je me suis mis, enfant touché par le doigt de la Muse, — pardon si c’est banal, — à dire mes bonnes croyances, mes espérances, mes sensations, toutes ces choses des poètes — moi j’appelle cela du printemps…”