Et si Balzac avait raison ?Nous avons tous en tête le très beau texte de Balzac dans la Revue parisienne du 25 septembre 1840 où, l’un des très rares à l’époque, il ne tarissait pas d’éloges sur la Chartreuse de Stendhal.
Il n’émettait que deux réserves : la première totalement injustifiée qui aurait dû amener Stendhal à supprimer son merveilleux commencement ; la seconde, plus pertinente, qui consiste à qualifier de « faute immense en posant Parme ».C’est à lui que je pensais quand, pour préparer la prochaine ouverture de notre nouvel Hôtel Littéraire Stendhal à Nancy, le grand biographe italien Maurizio Serra nous a offert un formidable ouvrage paru en 1962 et édité en France en 2016, d’Antonio Delfini : « Modène 1831. La ville de la Chartreuse ».
Antonio Delfini, dont c’est le dernier ouvrage, est l’héritier désargenté d’une longue lignée de propriétaires fonciers du Nord de l’Italie et en particulier de Modène.
Pour paraphraser la superbe préface de notre ami Thierry Laget, non seulement Parme est en fait Modène, Gina est la femme de Menotti exécuté par François IV (modèle de Ranuce-Ernest IV) mais toutes les places, les tours, les palais, sont de Modène et non de Parme, sans parler de la Chartreuse qui serait la transcription de l’abbaye de Nonentola proche de Modène.
Là où le propos de Delfini perd un peu de sa force, c’est quand il veut y mêler sa saga familiale : ses arrières grands-parents seraient les modèles de Fabrice et Clelia, et même l’alphabet en signaux qui permettait aux deux amoureux de communiquer aurait été inspiré par sa famille.
Si tout cela est un peu systématique comment ne pas être séduit par la plume alerte de ce grand écrivain aujourd’hui bien oublié, un de ces italiens raffinés qui avait lu Stendhal dans la Pléiade : « Si non e totalmente verro, è ben trovato ».
Comme le fit Thierry Laget, comment ne pas laisser le dernier mot à notre cher Marcel :
« Le nom de Parme, une des villes où je désirais le plus aller, depuis que j’avais lu la Chartreuse m’apparaissait compact, lisse ,mauve et doux, si on me parlait d’une maison quelconque de Parme dans laquelle je serais reçu on me causait le plaisir de penser que j’habiterais une demeure lisse compacte, mauve et douce, qui n’avait pas de rapport avec les demeures d’aucune ville d’Italie puisque je l’imaginais seulement à l’aide de cette syllabe lourde du nom de Parme, où ne circule aucun air, et de tout ce que je lui avais fait absorbé de douceur stendhalienne et du reflet des violettes »
Jacques Letertre