D’un nouveau complot contre les industriels, de Stendhal
Par Jacques Letertre
Aux Éditions STOLS à Maastricht en 1925, à été réédité « très joliment » dit Martineau dans les Mélanges de littérature, une brochure publiée par Stendhal exactement cent ans auparavant condamnant vivement la philosophie du journal saint-simonien « Le Producteur ».
STOLS éditeur et grand ami de notre cher Valéry Larbaud, ne pouvait pas laisser passer le centenaire de la publication de cette attaque en règle des saints simoniens et de leur prétention à ce que la « capacité industrielle » puisse « juger de la valeur de toutes les autres capacités ».
Stendhal ne nie pas l’intérêt de l’industrie et des industriels mais condamne la mainmise qu’ils veulent exercer sur l’opinion en achetant des pans entiers de la presse dont l’unique utilité est de chanter les louanges et les mérites des industriels.
« Pendant que Bolivar affranchissait l’Amérique, pendant que le capitaine Parry s’approchait du Pôle, mon voisin a gagné dix millions à fabriquer du calicot, tant mieux pour lui et ses enfants. Mais depuis peu il fait faire un journal qui me dit tous les samedis, qu’il faut que je l’admire comme un bienfaiteur de l’humanité ».
Il n’y a qu’à regarder l’état du monde des médias en France pour voir la douloureuse actualité des propos de Stendhal.
La remarque est encore plus prophétique pour les États Unis : « Supposons qu’un mauvais génie envoie aux États Unis d’Amérique un président ambitieux comme Napoléon ou Cromwell, cet homme profitera du crédit qu’il trouvera établi en arrivant à la présidence et… il corrompra l’opinion et se fera nommer président à vie ».
On découvre dans ce texte le goût de Stendhal pour l’économie politique et son mépris pour les idées de Saint-Simon.
Comme le dit Sainte-Beuve – pour une fois inspiré -, Stendhal revendique « la part éternelle des sentiments dévoués, des belles choses réputées inutiles, de ce que les Italiens appellent « la virtù ».
Jacques Letertre