Cocteau à Venise ou la revanche d’Octave “dans les choux”

de Jacques Letertre

 

   À Venise, à la Fondation Peggy Guggenheim, se tient une superbe exposition consacrée au plus proustien des touche-à-tout de génie qu’ait connu le vingtième siècle : Jean Cocteau.

   Installée jusqu’au 10 septembre dans les merveilleux locaux du Palais Venier dei Leoni, cette exposition, intitulée  « La rivincita del giocoliere » : « La revanche du jongleur », se veut à travers la présentation de dizaines de dessins, de livres, de photos et de films, un hommage à l’un des plus grands artistes français, trop souvent considéré comme superficiel et largement oublié.

 

 

   Pourtant quel auteur prolifique, tour à tour poète, romancier, dramaturge, critique d’art !

   Qui d’autre fut à la fois un immense metteur en scène, un créateur de mode, de tissus, de bijoux, un sculpteur hors pair ? Un véritable « homme de la Renaissance » comme le dit le très beau catalogue de l’exposition.

 

 

   Comment ne pas penser à Octave « dans les choux », neveu des Verdurin et futur époux d’Andrée dans À la Recherche du temps perdu, qui, après une jeunesse de dandy, de joueur invétéré, voire de « brute épaisse », se révèle un véritable génie.

 

« …Ce jeune homme fit représenter des petits sketches, dans des décors et avec des costumes de lui et qui ont amené dans l’art contemporain, une révolution au moins égale à celle accomplie par les Ballets russes. Bref, les juges les plus autorisés considèrent ses œuvres comme quelque chose de capital, presque des œuvres de génie… ».

Marcel Proust, Albertine disparue

 

« …Il était déjà un homme de génie, peut-être distrait de son génie, l’ayant laissé la clé sous la porte dans l’effervescence des passions juvéniles ; ou bien, même homme de génie déjà conscient, et si dernier en classe parce que, pendant que le professeur disait des banalités sur Cicéron, lui lisait Rimbaud ou Goethe… »

Marcel Proust

 

   Quel dommage que Cocteau, si bavard sur Proust et sa vie sociale, n’ait à ma connaissance rien dit du personnage d’Octave, dont beaucoup de proustiens s’entendent à dire qu’il l’a inspiré.

 

 

 

 

Jacques Letertre