Cocteau à Venise ou la revanche d’Octave “dans les choux”
de Jacques Letertre
À Venise, à la Fondation Peggy Guggenheim, se tient une superbe exposition consacrée au plus proustien des touche-à-tout de génie qu’ait connu le vingtième siècle : Jean Cocteau.
Installée jusqu’au 10 septembre dans les merveilleux locaux du Palais Venier dei Leoni, cette exposition, intitulée « La rivincita del giocoliere » : « La revanche du jongleur », se veut à travers la présentation de dizaines de dessins, de livres, de photos et de films, un hommage à l’un des plus grands artistes français, trop souvent considéré comme superficiel et largement oublié.
Dal 13 aprile al 16 settembre 2024 la Collezione Peggy Guggenheim presenta Jean Cocteau. La rivincita del giocoliere, prima, grande retrospettiva realizzata in Italia dedicata a Jean Cocteau (1889–1963), enfant terrible della scena artistica francese del XX secolo.
Pourtant quel auteur prolifique, tour à tour poète, romancier, dramaturge, critique d’art !
Qui d’autre fut à la fois un immense metteur en scène, un créateur de mode, de tissus, de bijoux, un sculpteur hors pair ? Un véritable « homme de la Renaissance » comme le dit le très beau catalogue de l’exposition.
Comment ne pas penser à Octave « dans les choux », neveu des Verdurin et futur époux d’Andrée dans À la Recherche du temps perdu, qui, après une jeunesse de dandy, de joueur invétéré, voire de « brute épaisse », se révèle un véritable génie.
« …Ce jeune homme fit représenter des petits sketches, dans des décors et avec des costumes de lui et qui ont amené dans l’art contemporain, une révolution au moins égale à celle accomplie par les Ballets russes. Bref, les juges les plus autorisés considèrent ses œuvres comme quelque chose de capital, presque des œuvres de génie… ».
Marcel Proust, Albertine disparue
« …Il était déjà un homme de génie, peut-être distrait de son génie, l’ayant laissé la clé sous la porte dans l’effervescence des passions juvéniles ; ou bien, même homme de génie déjà conscient, et si dernier en classe parce que, pendant que le professeur disait des banalités sur Cicéron, lui lisait Rimbaud ou Goethe… »
Marcel Proust
Quel dommage que Cocteau, si bavard sur Proust et sa vie sociale, n’ait à ma connaissance rien dit du personnage d’Octave, dont beaucoup de proustiens s’entendent à dire qu’il l’a inspiré.
Jacques Letertre