“Marcel Aymé, Dole et la gastronomie” 

 

Discours préparé à l’occasion de la 10e édition des Week-ends gourmands du Chat perché à Dole,

par Jacques Letertre, président de l’association des Amis de Marcel Aymé,

et Hélène Montjean, directrice littéraire de la Société des Hôtels Littéraires et membre du jury du prix Marcel Aymé.

 

 

Chers amis, 

   l’Association des amis de Marcel Aymé est heureuse de contribuer à promouvoir la gastronomie en votre compagnie et celle d’un écrivain dont on sait le prix qu’il attachait aux joies de la bonne chère et de la convivialité, dans un endroit qu’il affectionnait tout particulièrement. 

   Dole fut pour Marcel Aymé une ville-refuge, celle où il vécut d’heureuses années au Collège de l’Arc comme il le relate dans des nouvelles à l’humour potache – A et B ou L’élève Martin – ; il faut croire que Dole est l’un de ces lieux où souffle l’esprit, car Marcel Aymé, au cours de l’année 1916-1917, fut le voisin d’un autre illustre écrivain, Alexandre Vialatte, alors élève dans la même rue, à l’école Notre-Dame du Mont-Roland. 

 

Marcel Aymé à Montmartre – Alexandre Vialatte en rameur

 

   Dole est aussi cette ville où, une fois adulte, Marcel Aymé revenait souvent embrasser sa chère tante Léa qui sut si bien remplacer sa mère trop tôt disparue, et se reposer de ses importants ennuis de santé ; celle enfin, où il écrivit son premier roman, paru en 1926, Brûlebois, qui lança sa carrière d’écrivain. 

   Cette pittoresque histoire d’un ancien porteur de valises local, Eugène Brûlebois, lui fut soufflée par sa sœur Camille ; elle raconte la vie d’un simple, doux ivrogne au langage châtié, qui use sa santé et ses pourboires sur le zinc des cinq bistrots disposés « en demi-collerette » autour de la gare, « perfide et tentaculaire » aux yeux de son vigilant ami, La Lune. 

 

 

   Nous assistons cette année à la 10e édition de ce week-end gourmand du Chat Perché : c’est dire si l’histoire d’amour est longue entre Marcel Aymé, Dole et la gastronomie ! 

   Marcel Aymé consacre une merveilleuse nouvelle, La Bonne peinture, à imaginer, « dans un atelier de la rue Saint-Vincent », l’histoire d’un artiste de Montmartre dont les toiles seraient devenues une véritable nourriture terrestre, « non pas seulement pour l’esprit mais bien aussi pour le corps », et capables de rassasier tous les pauvres de Paris. 

« Il suffisait de regarder attentivement l’une de ses toiles pendant vingt à trente minute et c’était comme si l’on eu fait par exemple, un repas de pâté en croute, de poulet rôti, de pommes de terre frites, de camembert, de crème au chocolat et de fruits. Le menu variait selon le sujet du tableau, sa composition et son coloris, mais il n’y manquait même pas de boisson. »

 

 

Fresque murale en trompe-l’œil à Dole

 

   Marcel Aymé est aussi l’écrivain chez qui les poulets sont le plus souvent assimilés à des  agents de la maréchaussée, qui sait dissimuler un cochon dans des valises avant de lui faire entamer la plus célèbre des traversées de Paris, et où un canard file faire le tour du monde avec une panthère pour ne pas finir au menu des parents de Delphine et Marinette ; où les dîners sont composés de têtes, où le boucher tombe amoureux de sa voisine Lucienne, et où l’on devient l’ami de ses camarades de file d’attente, à la porte d’une épicerie de la rue Caulaincourt « pendant la guerre de 1939-1972 ». 

   Marcel Aymé étudie même les cas improbables de pères de famille végétariens capables de manger  des biftèques en catimini dans la cuisine ; ou d’imaginer un loup, tellement heureux d’être devenu le compagnon de jeu de Delphine et Marinette,  qu’il jure de ne jamais plus dévorer de petites filles. 

Mais est-ce bien raisonnable ?