A propos de l’exposition Germain Nouveau, l’ami de Verlaine et de Rimbaud à Aix en Provence, Bibliothèque Méjanes : les dessins satiriques de la correspondance échangée autour de Rimbaud par Paul Verlaine, Ernest Delahaye et Germain Nouveau, conservés à la Bibliothèque littéraire Jacques Doucet.
La bibliothèque Méjanes d’Aix en Provence propose jusqu’au 31 décembre 2021 une exposition mettant à l’honneur le délicat poète Germain Nouveau, injustement oublié aujourd’hui, mais pourtant longtemps admiré, notamment par les jeunes surréalistes (« Nouveau est surréaliste dans le baiser », André Breton, Manifeste du surréalisme, 1924.). La Bibliothèque littéraire Jacques Doucet y a contribué par le prêt exceptionnel d’une quarantaine de documents.
La bibliothèque littéraire Jacques Doucet conserve en effet un important fonds Verlaine, réuni par le collectionneur d’abord grâce à André Suarès, son premier conseiller littéraire, puis grâce à André Breton, son bibliothécaire à partir de 1921.
Parmi les manuscrits des dernières œuvres de Verlaine se trouvent des lettres, ou plutôt des fragments de correspondances, ornés de dessins semblables à des planches de bande dessinée. Cet ensemble exceptionnel provient de lettres échangées par le cercle des intimes de Verlaine après la disparition de Rimbaud. Verlaine les conserva jusqu’à sa mort. Ce petit cercle est restreint. Outre Verlaine, on y trouve Ernest Delahaye, condisciple et ami de Rimbaud au collège de Charleville, qui, devenu professeur, laissera des écrits sur Rimbaud. S’y joint surtout le poète Germain Nouveau, collaborateur de la revue La Renaissance littéraire et artistique, qui participa activement à L’Album zutique et aux jeux et calembours des « Vieux Coppées », pastiches fort irrévérencieux de poèmes de François Coppée, avant que ne soit publié son recueil Les Valentines, réunion de poèmes d’amour quasi courtois. Germain Nouveau a séjourné à Londres avec Rimbaud, puis y a fait la connaissance de Verlaine, alors professeur à Stickney, avant de finir sa vie, ermite misérable et mystique, dans le pays d’Aix dont il était originaire.
Dans les lettres qu’échangent les trois hommes après le départ de Rimbaud pour l’Arabie, dans les années 1880, figurent des informations glanées ici ou là sur les tribulations de l’homme « aux semelles de vent », mais aussi des nouvelles des uns et des autres. La correspondance se donne sous forme de dessins très vivants, accompagnés de légendes rédigées d’étrange manière : déjà les lettres de Verlaine et Rimbaud faisaient la part belle à une langue forgée, argotique et patoisante. Dans cette correspondance à trois autour de l’absent, il est fait à nouveau usage de cette langue singulière. Ces sortes de « chroniques en images », selon les mots de Bernard Bousmanne, narrent les aventures réelles ou imaginaires des trois amis et viennent combler le vide laissé par l’absent, « le Rimbe ». La vie d’errance et de bohême y est croquée dans les cafés où s’empilent les bocks, sur les routes poudreuses où s’égarent les miséreux aux « poches trouées », ou encore dans une Afrique de pacotille où Rimbaud, toujours affublé de son haut de forme, règne sur des tribus de Noirs égrillards.
Grâce à Breton, qui approche Delahaye au début des années 1920 et interroge le vieil homme sur ses souvenirs, l’ensemble de ces lettres a pu être classé et les dessins légendés. Ils font revivre de manière saisissante ce moment miraculeux où la poésie moderne s’invente, sous ses formes les plus inattendues.
Isabelle Diu, directrice de la Bibliothèque littéraire Jacques Doucet
http://www.citedulivre-aix.com/germain.nouveau/
“Nouveau est surréaliste dans le baiser” (André Breton, Manifeste du surréalisme, 1924)
« Non l’épigone de Rimbaud : son égal. » Louis Aragon